Après avoir quitté Londres au début de l’automne 2016, je me suis envolé pour le Kazakhstan afin notamment de rendre visite à une amie à Astana. Ce voyage, qui fut mon premier vrai séjour dans un pays non européen, devint le point de départ d’une prise de conscience quant au monde qui m’entourait. La vision que j’en avais, et que j’avais mis trente ans à construire, s’est subitement effondrée, en quelques semaines, laissant en moi un certain néant qui m’a fallu combler lentement, pour me reconstruire. Observer le monde de l’extérieur, ce monde dans lequel nous avons grandi et évolué, j’entends par là en dehors de notre culture maternelle, peut parfois nous mener à remettre en cause la vision que nous avions de lui. Où les principes que nous avions, peuvent être radicalement chamboulés. Le voyage peut contribuer fortement à cette prise de conscience mais n’en ai pas forcément une garantie qui s’applique à chacun. Ces deux mois vécus à Astana sonnaient le début d’une longue et profonde réflexion quant à ce monde que je croyais connaître mais qui s’est avéré être un parfait inconnu. Comme disait Jean Gabin : « Maintenant je sais, je sais qu’on ne sait jamais ». En effet, nous pouvons être sûrs d’une seule chose, c’est que nous ne sommes sûrs de rien. Mes investigations, que ce soient dans des domaines tels que la finance, l’économie, la médecine, la géopolitique, l’histoire, la spiritualité, m’ont poussé à mettre de côté tout ce que j’avais appris par le passé afin de rester le plus objectif possible dans mes raisonnements. La conclusion de mes analyses révèle que rien n’est réel autour de nous, au sens figuré du terme. Il semblerait que nous vivons dans monde issu d’une parfaite simulation. Comme si à l’origine, Dieu, sachant absolument tout sur tout, prit d’un ennui infini qui devint son pire ennemi, se mettant à se détester, décida de créer ce monde et de diviser son âme unique en sept milliards d’âmes pour tenter de se retrouver lui-même. Cette simulation qui semble tellement réelle serait comme un test spirituel et une expérimentation de la vie elle-même où nous, simples mortels, expérimenterions la matière physique. Ce monde est un théâtre, celui qui en comprendra les règles pourra en faire son paradis. Cependant, la recherche des clés de l’univers est un long chemin, une entreprise difficile qui n’offre pas forcément la garantie d’un résultat. L’espoir d’y parvenir restera néanmoins toujours notre motivation ultime.
Notre influence sur ce monde en tant qu’individu est minime. Car il n’est en tout est pour tout possible de ne changer autour de nous que certaines choses relativement limitées, comme notre style vestimentaire, notre langage, notre carrière professionnelle, par contre notre influence sur le reste est quasiment nulle. Chercher à contrôler les évènements qui influencent nos vies, de même qu’à changer le monde à notre image et à changer les personnes autour de nous, relève de l’illusion voir d’un fantasme engendré par notre propre ego. Par contre, modifier son approche vis-à-vis de notre environnement en nous y adaptant et en anticipant les facteurs susceptibles d’altérer nos plans, relève d’un objectif plus réalisable. Nous cherchons tous à changer le monde, seulement si cela était si facile, le monde aurait changé depuis longtemps car beaucoup avant nous ont déjà essayé maintes et maintes fois. Notre monde n’est pas parfait, certes, mais c’est lui qui nous a fait comme nous sommes aujourd’hui, acceptons-le un minimum. De la même façon, acceptons les gens autour de nous comme ils sont, au risque d’entraîner des frustrations à l’intérieur de nous, nous empêchant de continuer notre chemin en toute sérénité.
Ma vision de l’enfer est un monde où tous penseraient et feraient la même chose que moi, finissant par se retrouver exactement aux mêmes endroits que moi, créant ma propre prison et me rendant esclave de moi-même. À l’opposé, une solitude totale deviendrait également une prison infernale. Mieux vaut être bien accompagné en prison, que d’être seul en liberté. L’équilibre entre les deux est le plus difficile à atteindre. Au final, cette pluralité de points de vue, de goûts, de décisions, me permet de garder ma liberté. Et vous, quelle est votre vision de l’enfer ? Quoi qu’il en soit, ce monde est délibérément voué à être dure avec nous, mais c’est certainement pour nous pousser à réagir, à le remettre en cause et à chercher les clés de son mystère. S’il ne nous a pas brisé, il nous a de toute façon rendu plus fort. Mikhaïl Lermontov a bien développé cette vision que notre mort ne survient que lorsque notre heure est arrivée, jamais avant. Nous pouvons traverser un champ de mines sans que rien ne se produise. Puis lorsque les douze coups de minuit approcheront, sortant de chez soi, une simple tuile tombant sur notre tête sonnera notre fin. Durant la première guerre mondiale, mon arrière grand père a vu la quasi-totalité des soldats qui composaient ses régiments décimés excepté lui, pourtant il n’était qu’un simple soldat. C’est ainsi qu’il passa l’entièreté de la guerre sur les champs de batailles, d’un régiment à l’autre sans jamais être attrapé par la mort. La probabilité de traverser une rue sous un déluge sans être mouillé sont nulle. Les probabilités interviennent dans beaucoup de domaines, mais en ce qui concerne le sort des gens, c’est une bien autre histoire. Certainement que chacun possède un ange gardien qui veille sur nous.
La science, notamment la physique quantique, admet qu’il existerait une infinité d’univers parallèles, c’est-à-dire que d’autres univers pourraient exister et pourraient être une quasi reproduction du notre à quelques détails près. La matière physique qui nous constitue et nous entoure ne serait que pure illusion car nous ne sommes composés que de pure énergie, et la matière physique ne serait qu’une représentation de cette énergie. Étant donné qu’un même électron, qui est la base de l’énergie, peut se trouver au même moment à plusieurs endroits différents, fort est d’imaginer que chaque personne pourrait y avoir son propre univers qui lui serait dédiée faisant d’elle le personnage principal de cette grande pièce de théâtre qu’est notre monde. Sur différents sites internet, vous pouvez voir ce qui se passe dans les rues de bons nombres villes dans le monde à travers leurs caméras de surveillance. Ces sites sont gratuits et je vous invite à faire l’expérience de regarder ce qui se passe à travers votre écran, dans une rue de votre ville, puis, un peu plus tard, d’aller dans cette même rue et d’observer cette fois-ci, la caméra qui a filmé ce que vous avez vu précédemment. La sensation de passer du filmeur au filmé, du spectateur à l’acteur, vous offrira sans doute une impression nouvelle. Toutes ces caméras qui envahissent notre quotidien ne pourraient-elles pas être les caméras de tournage de notre propre film ? À méditer.
Fort est de constater que nous pourrions très bien chercher les clés de l’univers dans la mauvaise direction. L’idée même d’atteindre un quelconque but pourrait bien être fausse. Le secret pourrait résider uniquement dans le pouvoir du moment présent. En effet, nous vivons presque exclusivement dans le passé et le futur. Nous remémorant sans cesse avec obsession les évènements du passé, planifiant avec acharnement le futur, où notre pensée perd tout ressentit du moment présent. Toutes les planifications que nous nous fixons se révèleront à cent pour cent fausses de par le fait que nous ne sommes jamais maître de quelques conséquences que ce soient, et un seul petit changement initial peut, à la fin, venir modifier la totalité de nos plans. Même chose concernant le passé ; les détails d’un évènement lointain peuvent se révéler inexacts. Au final, seul le présent existe, le passé et le futur ne sont qu’illusion.
« Qui contrôle le passé, contrôle le futur ; qui contrôle le présent, contrôle le passé » George Orwell, 1984
Le Christ était un activiste et un anticonformiste, l’association des deux l’ont conduit sur la croix. Mais son message, si nous apprenons à lire entre les lignes, peut révéler quelque chose de bien différent de ce que nous nous imaginions. Car notre véritable ennemi se trouve à l’intérieur de nous et cet animal est le plus féroce de tous à dompter. Notre force intérieure vient en mettant notre raisonnement à rude épreuve, et cela avec une approche stoïcienne, en étant prêt à le faire de façon régulière, et en doutant de tout et à tout moment. C’est ainsi que le brouillard s’estompera et qu’une vision claire des choses s’offrira à nous. Pour y parvenir, il y a deux méthodes indispensables sur lesquelles nous sommes susceptibles de travailler. La première est de développer la faculté à prendre du recul face à toutes situations émotives pour ne pas laisser nos sentiments s’approprier le contrôle total de notre personnalité en nous soustrayant à nos pensées rationnelles. Avoir trop d’émotions devient un poison toxique, mais à l’inverse, ne plus en avoir est la pire des choses. L’équilibre entre les deux est la clé de cette méthode. Un état qui n’est cependant pas acquis à vie et qu’il est nécessaire de rechercher dans chaque nouvelle situation émergente. La deuxième méthode est notre faculté à rester concentrés sur un sujet plus de cinq minutes d’affilées. Notre attention est distraite à chaque instant par une multitude de facteurs tout en nous accordant mille excuses pour nous en pardonner. Qu’elles nous soient externes ou internes, ces distractions perpétuelles nous empêchent de prendre conscience de celles et ceux qui nous entourent. Il nous est bien difficile de percevoir chacune des secondes qui passent, de passer chaque seconde à ressentir la brise du vent sur notre visage, de porter notre réflexion rien qu’un instant sur le chant des oiseaux, et de consacrer l’instant suivant à l’attention même de notre propre respiration. Se retrouver en pleine nature, seul, de même que méditer ou prier peut nous faire évoluer vers cette maîtrise.
Vous savez, nous pouvons passer notre entière vie à chercher les clés de l’Univers, mais lorsque nous nous retrouvons devant la porte de la pièce qui renferme tous les secrets de l’Univers, nous nous rendons compte que la porte est non seulement ouverte, mais qu’elle l’a toujours été. Nous étions cependant trop obsédés par nos distractions pour nous en apercevoir. Puis, pis encore, une fois rentrés à l’intérieur, nous nous rendons compte que la pièce y est entièrement vide, vide de ses secrets. Pourtant, à l’entrée, sur la porte était bien affichée : « À l’intérieur se trouve tous les secrets de l’Univers ». Oui effectivement, c’était vrai, bien vrai, l’affiche n’avait aucunement menti, nous étions à présent à l’intérieur de la pièce, et les secrets étaient logés à l’intérieur de nous. Ne chercher plus, vous avez tout compris !
Rédigé le 20 Mars 2023